Je crois que longtemps, j'ai dit fièrement que ça m'était égal, la sexualité d'un tel ou d'une telle. Ou que je ne "voyais pas" la couleur d'un tel autre.
Je crois que longtemps je ne me suis même pas rendu compte que ces mots, pris textuellement, ne reflétaient pas ma pensée et pouvaient être insultants pour ceux à qui je voulais dire que je les trouvais aussi égaux que moi, tout simplement.
Que je ne portais pas de jugement sur leurs pratiques sexuelle ou leur couleur de peau.
Cette façon de dire "je m'en fous", elle veut juste dire "je ne suis pas homophobe, raciste" et elle appelle un peu le cookie de récompense.
Or, c'est con, de courir après un cookie de récompense pour bonnes pensées. La "récompense" s'il doit y en avoir une, c'est de penser en conformité avec nos valeurs. C'est de combattre nos réflexes bien ancrés de petits préjugés. C'est de penser faire au plus juste. Pas que nos copains femmes, noirs ou pédés nous disent "ah merci, toi au moins tu ne me juges pas".
Ça m'a pris un certain temps, et je n'en suis pas fière du tout, de comprendre en quoi ça pouvait être blessant. Parce que si je suis femme, je n'en suis pas moins blanche, éduquée, dans un monde fait par et pour les blancs éduqués. Du coup il y a des choses qui me paraissent évidentes et qui ne le sont pas.
On dit souvent : les hétéros ne font pas de coming out. Forcément puisque le monde entier présume que vous êtes, jusqu'à preuve du contraire, hétéro. Du coup dire "je suis hétéro" ne porte pas du tout le même poids que "j'ai eu peur de ce que j'étais toute ma jeunesse, j'ai eu peur de perdre l'amour de ceux qui m'étaient le plus proche, j'ai eu peur d'être un monstre, j'ai eu peur d'être jugé. Puis j'ai accepté mais j'ai eu peur de dire. Et maintenant que je dis, j'ai peur à nouveau de perdre l'amour de ceux qui me sont chers, j'ai peur de perdre mon job, mes copains, mes relations. Mais c'est la somme de ces craintes, de ces souffrances, de ces victoires, qui font la personne que je suis et je suis fier(e) de mon chemin".
Faire son coming-out, ce n'est pas juste mettre sur la place public l'intimité de sa chambre, c'est aussi revendiquer un chemin pas facile.
Nos amis, tous ceux qui, à une occasion ou à une autre, sont dans la position de "minorité" (donc ça m'arrive en tant que femme, même si on est pas moins nombreuses), n'ont pas besoin qu'on approuve ou désapprouve leur chemin, qu'on valide par un "oué je suis d'accord" ou qu'on cherche à justifier nos "je m'en fous".
On peut, intellectuellement, essayer de comprendre leur vie. J'ai vu mon ex victime de racisme quand il cherchait du boulot. Je l'ai vu, j'ai trouvé ça dégueulasse, injuste. Je n'ai pas pris le coup de poignard dans les tripes à chaque remarque à la con.On peut, au travers d'injustices qu'on a vécues, apercevoir ce que ça fait, de loin.
C'est exactement comme quand on parle féminisme et que le type en face nous dit "non mais moi chuis pas comme ça". Super et je suis contente de le savoir. Il n'en reste pas moins que ça ne change pas un certain nombre de situations qui posent problème aux femmes, en général.
Dire "je m'en fous du coming out" c'est dire "je ne suis pas comme ça". Et c'est super, qu'on ne soit pas comme ça. C'est pour ça qu'on fait partie de la clique des gens qui ont envie d'un monde meilleur et que c'est pour ça qu'on s'aime, les uns les autres.
Mais ça ne doit jamais nous dispenser de nous rappeler qu'on voit le monde au travers de nos prismes de gens qui ont eu leurs difficultés et qui n'aimons pas, nous non plus, que les gens viennent nous dire comment bien faire ou bien penser. On voit aussi le monde au travers du prisme de gens qui ont la vie plus "simple" que d'autres. Et à ce titre, on ne peut pas se contenter de" y a qu'à", "faut qu'on", "moi chuis pas comme ça", "dans un monde parfait on aurait pas besoin de"...
Si nous voulons être de bons alliés pour un monde plus équitable, je crois que nous avons le devoir, avant tout, de surveiller nos comportements, de questionner nos évidences, de faire marcher nos empathies, de soutenir avec beaucoup d'humilité.
Nos "je m'en fous" ou nos idées de génie sur les bonnes solutions pour éradiquer homophobie, racisme ou que sais-je devraient être examinés sans nos lunettes de blancs hétéros pour qui la vie est plus simple (j'ai pas dit facile, notez). Soyons prudents, soyons modestes, soyons derrière et ne cherchons pas à tirer la couverture à nous sous prétexte qu'on est moins bornés que d'autres.
Parce qu'on peut blesser ceux qu'on aime, d'une part, parce que le monde entier ne pense pas comme nous et mettre notre alliance comme argument qu'on peut "s'en foutre" est un très mauvais calcul et une vision fort naïve du monde.
Soyons de bons alliés, plus des alliés boulet. Comme dans les combats pour lesquels nous sommes le coeur de cible, si j'ose dire, nous espérons des gens qui nous soutiennent vraiment, pas des gens qui cherchent à plaquer leurs solutions (genre on y avait pas pensé avant). Pas des gens qui cherchent à savoir pour nous. Juste des gens qui nous apportent une vision réconfortante de l'humanité, qui partagent de la bonne énergie.
(Ceci est un encouragement que je m'adresse, pas une leçon de morale, ça reflète mon chemin et je n'oblige personne, hein. Mais avec la modestie qui me caractérise, je trouve que c'est un meilleur chemin que les "je m'en fous").
J'en profite pour adresser à Charles et à Embruns des tas de remerciement parce que leurs mots ont aidé ces idées à finir de se formuler, ces jours derniers. Et parce que, comme quelques autres, les lire me donne souvent des bouffées d'amour des beaux humains. L'amour de notre prochain, comme professent certains sans mettre en pratique.
Commentaires
Je crois que je vais te relire plusieurs fois, c'est tellement ce vers quoi je voudrais tendre. Je suis parfois pétrie de bonnes attentions que j'en suis sans doute maladroite. des mots comme les tiens me questionnent et m'éclairent. Merci Petite Luciole.
jacotte on raisonne TOUS en fonction de nos prismes, de notre éducation, de notre milieu, de la culture qui nous entoure, c'est humain.
Je crois que ce qui fait la différence, c'est de penser à "détricoter" tout ça, de prendre le temps du recul avant d'avoir des avis définitifs.
Ca me rappelle une conversation avec mon père sur la discrimination positive. Il trouve ça con et contreproductif, notamment sur le cv anonyme parce qu'en tant qu'ex chef d'entreprise-recruteur (et que humain) il ne pratique pas la discrimination raciale. Et ce que je n'arrive pas à dire posément avec lui, c'est que pour le type / la nana qui cherche et qui s'est fait jeter 1.000 fois avant de tomber sur quelqu'un d'humainement correct, c'est normal que le point de vue ne soit pas le même et que c'est à eux de pouvoir avoir une chance, pas à nous de dire comment.
Merci pour le Petite Luciole tout joli :heart:
Tu seras donc désormais Petite Luciole pour moi :heart:
Ca tombe bien parce que la Luciole qui est ma grande amie, c'est une (très) grande Luciole :)
Tu as un discours très élaboré (et ça semble très bien élaboré), quoique un peu difficile, et je ne prétends pas que tu m'aides à le résumer en une seule phrase, mais je crois qu'il implique en particulier qu'il faut aider ceux qu'on aime à s'assumer dans leur intégralité ? (y compris tous ces traits que vus de l'extérieur on pourrait considérer, un peu à la légère finalement, comme
, mot horrible qui renvoit à l'existence d'une prétendue universelle). J'ai l'impression que la réponse est oui... Je te le demande car justement avant-hier, au beau milieu d'une crise complètement impromptue qui s'est déclenchée dimanche et qu'on n'a pas pu voir venir du tout, où je me sentais comme aspiré de l'intérieur, ou comme une tortue enfermée dans une carapace sans trous, j'ai eu cette révélation et j'ai dit ça à tusaisprobablementqui : ce qui a été pour moi très dur, mais ensuite aussi très libérateur (c'est comme si j'avais trouvé une perceuse dans ma carapace pour en sortir ma grosse tête et mes grosses pattes de tortue), et très apaisant pour tous les deux par-dessus le marché... Même si ça ne va pas être facile facile pour moi, car aider l'autre à s'assumer implique, en premier lieu et surtout, que ce soit nous qui l'assumons d'abord tel qu'il est : assumer tous ses traits y compris ceux qui ont pu te choquer, ou carrément te blesser terriblement quand tu les a découverts dans un tournant du chemin... Et ça requiert un gros effort, j'ai l'impression (non, j'en suis certain).Bref, merci en tout cas pour ce billet très opportun qui me touche beaucoup, de très près ; j'y réfléchirai encore.
Pablo je suis contente si ça prête à réflexions. J'ajouterai que pour accepter l'autre comme il est, il est probablement nécessaire de s'accepter comme on est (et pas comme on voudrait être / paraître), ce qui n'est pas forcément simple non plus !
Oui, t'as raison, je n'y avais pas pensé à ça, et effectivement c'est pas simple non plus.
(En fait, en me relisant, je me rends compte qu'on peut penser que ce que je raconte n'a aucun rapport avec les combats dont tu parles... et pourtant si — sauf que je n'ai pas donné assez de détails — : c'est fou comment des aspects de la vie intime et personnelle peuvent être liés à quelque chose de bien plus large qui concerne toute l'organisation de nos sociétés, comme l'explique si bien Embruns dans son billet).
Pablo tout est dans tout et réciproquement ;-)
Tu me donnes du grain à moudre, merci. :-)
Voila que je tourne autour de ton texte sans rien d’évident à dire ou plus grave encore il n’oblige à réfléchir à construire développé ma pensé. Sur l’ensemble du texte oui il est pour moi très beau plein d’humanisme, plus encor il s’engage !
Mon frère et moi on ne peut pas être ensemble on fini pars gâché la fête, pourtant ont ne s’abandonnera jamais. Quand ont sais bien affronter sur un sujet les différences sur un point de vue sont finalement minime. Je vais prendre un exemple la peine de mort tout les deux nous somme contre la peine de mort mais pour des raisons différente moi sais plus pars humanisme et que je considère cette acte comme une vengeance insupportable qui ne nous grandie pas comme société, et lui il dirait trop facile qu’un assassin échappe aussi facilement a sa responsabilité, qu’il reste enfermait entre quatre mur a médité et a réfléchir.
En haut je parle de la beauté de ton texte, je ne parle pas de l’esthétisme de sa qualité même si elle pourrait suffire, non moi je parle de la façon apaisé d’abordé un sujet que beaucoup finalement préfère maintenir comme sujet tabou. Moi je viens d’une famille traditionnelle, mais voila la famille a grandie les plus jeunes ont d’autres comportements, ils construisent différemment ils ont explosé pour parti notre vision du monde de la société de la famille et des relations entre nous, même si finalement les relations reste forte et confiante.
Le plus simple serait d’abandonné de se laissé porté pars les courants criards de la société. On ne peut pas toujours être en explication de nos choix. Mais je me vois mal interdire des droits ou tout simplement des manières différentes de vivre aimé ou se comporté en société qui ne vont pas contre ma liberté, et qui en plus les renforces. J’arrive souvent légèrement en retard dans la défense des autres mais c’est parce que je suis toujours surprit que des hommes des femmes sois encor aujourd’hui obligé de s’excuser d’être différent et parmi nous ! Ont a tous de la famille des amies ils nous fatiguent parfois avec leurs problèmes ; mais je me vois mal les abandonnés ou refusé d’écouté. Écouté parlé avec eux les rassurés du faite que je serais toujours là ! :p
Belle réflexion !! Merci ! :heart:
Tant mieux, Anna, c'est fait pour ça (j'espère !)
Julio je suis sûre qu'ils savent qu'ils peuvent compter sur toi et que c'est une grande force pour eux.
Y a bien pas de quoi, mon cher Matoo :)
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Sans bagages
On parle pas mal de sacs à dos, rempli de pierres plus ou moins grosses, et même d’armature qu’il ne faudrait pas chercher à se débarrasser sous peine de… Nait-on avec le sac dans le dos ou tout nu, sans aucun bagage ? Et rien à voir, quoique si on...
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