lundi 15 juin 2015

2- Féminitudes

Deuxième histoire de la catégorie (à vrai dire une synthèse dialoguée de quelques conversations récentes).

– Non mais tu m'emmerdes, avec tes principes ! Si j'ai envie, moi, de m'occuper plus des gosses que mon mari ? Si je suis d'accord avec le fait que les tâches ménagères, c'est un truc de femmes ?

– Mais tu es d'accord avec qui, là-dessus ??

– Ben avec le monde entier ! Y a que vous autres, les féministes, pour cacher votre flemme par des grands discours sur le partage des corvées, mais regarde partout, tout le temps, ça s'est fait comme ça !?

– Et si ça s'est fait comme ça parce qu'à force de raconter aux femmes qu'elles doivent le faire parce que c'est leur boulot, que dis- je, leur rôle terrestre ?

– Et ?

– Et si à force de le répéter on l'a cru comme une vérité, alors qu'en fait...

– En fait quoi ??

– Sérieusement, tu ne trouves pas qu'un homme a tout ce qu'il faut comme matériel pour passer l'aspirateur ? Deux bras, deux jambes, et un cerveau pour trouver ou ça se branche ?

– Si. Mais ça l'ennuie. Et puis il bosse plus. Et il rapporte plus à la maison.

– Et du coup tu le rembourses en jouant la parfaite femme domestique sans horaires ?

– Non, c'est pas ça. Rhhaaaa. Tu déformes tout.

– Non mais là, on dirait que tu te sens redevable.

– Oui, un peu, enfin non, mais je ne vais pas l'embêter avec les couches sales et l'aspirateur, il a le droit de se reposer aussi.

– Et toi ?

– Ben quoi, moi ?

– Tu te reposes quand, toi ? Ta mission sur Terre prévoit ça, un peu ?

– ...

– Et vos mômes, ils ne seraient pas contents aussi de voir que leur père s'occupe d'eux un peu tous les jours ?

– Je ne crois même pas qu'il sache changer un bébé.

– Et toi, tu savais, avant la première fois où tu l'as fait ? Faut arrêter avec l'instinct, ça marche surtout au bon sens. Et personne n'est génétiquement favorisé pour supporter l'odeur de caca de bébé.

– Oui mais bon. A quoi tu sers, après

– Après quoi ?

– Une fois que tu as partagé les mômes et le ménage avec ton mec, tu sers à quoi ? Elle est où, ta place ?

– C'est une vraie question ?

– Oui, pourquoi ?

– C’est presque insultant, comme question... Alors ma place elle est aussi dans mon rôle de mère, que je remplis d'autant mieux que j'ai par ailleurs des sujets d'épanouissement : l'autonomie financière, par exemple, le fait de côtoyer d'autres adultes au boulot, de pouvoir avoir un boulot intéressant. Et aussi en partir tôt pour profiter des mômes. En jouant avec eux, en leur parlant, et pas seulement en les faisant manger ou en repassant leurs chaussettes. Et toi, ta place, quand ils auront grandi, elle sera où ?

– Dans leur souvenir, dans leur équilibre d'adultes, comme grand–mère.

– Et si tu te retrouves jeune veuve, tu les fais manger comment, tes futurs adultes équilibrés, avec ton trou dans ton C.V. ?

– ...

– Par ailleurs on peut souhaiter aux enfants qui ont des parents qui travaillent de pouvoir accéder à l'équilibre, quand même.

– ...

– T'es bien silencieuse.

– Je me dis que bon. Quelles que soient nos positions respectives, on sacrifie des choses, quand même. Et quel que soit notre mode de vie, on est toujours dans la preuve : qu'on est une bonne mère, qu'on peut faire carrière en allant chercher les mômes le soir.

– C'est exactement pour ça que je suis féministe. Pour qu'on ait juste le même nombre de choses à prouver que les hommes, ni plus, ni moins.