Nous partageons nos locaux professionnels avec plusieurs entreprises, dont l'un des leaders de l'intérim.

Lundi, au pied de chez nous, le syndicat-qui-n'était-pas-convié-à-la-conférence-sociale venait en délégation. Avec une délégation particulière, à vrai dire : celle des intérimaires sans papiers d'un département voisin.

Et il se trouve qu'ils étaient tous noirs.

On a donc eu une ribambelle de commentaires, pour le mieux, approximatifs sur le dialogue social quand on les as entendus scander "Assassins" à leur employeur. C'est vrai, quoi, tous les jours, on traite des gens d'assassins pour le plaisir, ne cherchons surtout pas à comprendre pourquoi. Bande de cons.

Mon exaspération a encore monté d'un cran un peu plus tard. On les entendait et voyait scander / chanter des slogans. Et derrière nous, dans la cour où on accède au restaurant d'entreprise, où on fume, où on prend l'air, une bande de rombières à gueules marinesques qui se bidonnent à "compléter" les voix de la délégation par des "ohé ohé". Ben oui, ils sont noirs. Forcément, c'est la Compagnie Créole.

Je vous passe les mille et une autre raisons de haïr nos voisins de bureau.

Simplement voilà. On a été, je pense, deux, ma collègue-amie en tête, à aller les voir et leur demander pourquoi ils manifestaient.

Figurez-vous qu'un de leur collègue est mort des suites d'un accident du travail sur un chantier.

Fin juillet.

Ils ne l'ont appris que la semaine dernière.

Parce que oui, les travailleurs sans papiers, c'est pratique, ça permet de leur filer les jobs les plus dangereux, ils n'ont pas d'autre choix que de les accepter.

Et si jamais ils clamsent, on peut planquer les cadavres tranquillou, c'est pas comme s'il y avait des voix autorisées pour s'indigner en leur nom.

Aucun de nous n'accepterait pour lui les conditions de travail que ce monsieur, que ces collègues ont subi. Chacune des revendications du syndicat qui les a soutenus nous paraît être une évidence, si on le transpose à nos vies professionnelles.

Pourtant.

Tous les jours, des morts et du silence.

Des sources ici et ici.

Commentaires

1. Le mercredi 21 octobre 2015, 13:04 par samantdi

Entièrement d’accord avec toi.
Ces sociétés d’interim et de sous-traitance ont été clairement mises en cause lors du 1er procès d’AZF à Toulouse.
Employer des gens au "moins disant » a un coût pour la collectivité toute entière, sans compter les drames humains que cela engendre.
Ces personnels sont souvent mal équipés (pas de vêtements de protection comme les autres employés) mal informés des risques qu’ils courent (en particulier quand ils sont sur des sites SEVESO ou dans des centrales nucléaires) et mal informés des tehniques à mettre en oeuvre.
Malheureusement ils y laissent parfois leur vie.
C’est honteux et ceci dans l’indifférence générale.

Le truc qui fait plaisir c’est de savoir que deux personnes (dont TOI) sont allées leur parler, et ma foi deux c’est déjà mieux que zéro!

2. Le mercredi 21 octobre 2015, 14:20 par Sacrip'Anne

samantdi qu'on vienne nous parler de ceux qui "volent" nos emplois, hein ?

Oui, c'est mieux que zéro, et c'était drôle et triste à la fois parce que la barrière de la langue était présente, mais avec une énergie à se comprendre de part et d'autre qui était très jolie.

3. Le jeudi 22 octobre 2015, 05:20 par Arkadia

Je suis tout à fait d'accord avec toi .....
Il faudrait pouvoir contrôler tous ces chantiers, vérifier les contrats, déplacer les inspecteurs du travail lors de vraies opérations avec des réelles condamnations à la clef. Les entreprises qui utilisent ce système connaissent bien les lacunes et en profitent un max.

4. Le jeudi 22 octobre 2015, 07:00 par lilou la teigne

Dégueulasse et ce système existe depuis fort longtemps, comme si ces gens n'avaient pas d’existences réelles.

5. Le jeudi 22 octobre 2015, 09:18 par Sacrip'Anne

Arkadia et lilou et puis à peu près tout le monde s'en fout, tant qu'on est pas touchés, qu'on a pas le sujet sous le nez, on y pense pas...

Ça me fait penser, dans Le bonheur des ogres, au pourquoi "les ogres" choisissent un orphelin : quelqu'un qui n'avait pas de papa, pas de maman, qu'on ne recherche pas.

Ou pas tout de suite, dans le cas des ces pauvres gens.

6. Le jeudi 22 octobre 2015, 10:30 par charlottine

"tous les jours, des morts et du silence" écris-tu ... Et j'ajouterai: beaucoup de bruit pour une chemise déchirée.

7. Le jeudi 22 octobre 2015, 10:48 par Sacrip'Anne

charlottine on disait exactement ça il y a 5 minutes. Mais entre des morts et un mec qui s'est fait virer ET déchirer sa chemise, y a des priorités, tu comprends...

8. Le vendredi 23 octobre 2015, 13:07 par Madleine

Des boîtes qui ont pignon sur rue se permettent on n'ose imaginer ce que peuvent faire celles qui sont plus petites et donc plus confidentielles... Le monde impitoyable du travail !
M. qui travaille dans une agence immobilière spécialisée dans la gestion des copropriétés soupçonne du travail non déclaré !

9. Le vendredi 23 octobre 2015, 13:41 par Sacrip'Anne

Madleine grand grand grand soupir.

10. Le vendredi 23 octobre 2015, 13:42 par Tomek

Ce que tu pointes est doublement signifiant : outre l'esclavagisme quasi légalisé car soit toléré, soit non / peu contrôlé (et pour cause, il me semble que les inspecteurs du travail sont une espèce en voie de disparition), le racisme ambiant s'exprime au grand jour, avec un mépris de classe assez flagrant.

Je ne sais pas comment rester optimiste, mais il le faut.

11. Le vendredi 23 octobre 2015, 14:21 par Sacrip'Anne

Tomek oui, il le faut, et il faut dire notre vigilance, aussi. Merci.

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