Deuxième histoire de la catégorie (à vrai dire une synthèse dialoguée de quelques conversations récentes).

– Non mais tu m'emmerdes, avec tes principes ! Si j'ai envie, moi, de m'occuper plus des gosses que mon mari ? Si je suis d'accord avec le fait que les tâches ménagères, c'est un truc de femmes ?

– Mais tu es d'accord avec qui, là-dessus ??

– Ben avec le monde entier ! Y a que vous autres, les féministes, pour cacher votre flemme par des grands discours sur le partage des corvées, mais regarde partout, tout le temps, ça s'est fait comme ça !?

– Et si ça s'est fait comme ça parce qu'à force de raconter aux femmes qu'elles doivent le faire parce que c'est leur boulot, que dis- je, leur rôle terrestre ?

– Et ?

– Et si à force de le répéter on l'a cru comme une vérité, alors qu'en fait...

– En fait quoi ??

– Sérieusement, tu ne trouves pas qu'un homme a tout ce qu'il faut comme matériel pour passer l'aspirateur ? Deux bras, deux jambes, et un cerveau pour trouver ou ça se branche ?

– Si. Mais ça l'ennuie. Et puis il bosse plus. Et il rapporte plus à la maison.

– Et du coup tu le rembourses en jouant la parfaite femme domestique sans horaires ?

– Non, c'est pas ça. Rhhaaaa. Tu déformes tout.

– Non mais là, on dirait que tu te sens redevable.

– Oui, un peu, enfin non, mais je ne vais pas l'embêter avec les couches sales et l'aspirateur, il a le droit de se reposer aussi.

– Et toi ?

– Ben quoi, moi ?

– Tu te reposes quand, toi ? Ta mission sur Terre prévoit ça, un peu ?

– ...

– Et vos mômes, ils ne seraient pas contents aussi de voir que leur père s'occupe d'eux un peu tous les jours ?

– Je ne crois même pas qu'il sache changer un bébé.

– Et toi, tu savais, avant la première fois où tu l'as fait ? Faut arrêter avec l'instinct, ça marche surtout au bon sens. Et personne n'est génétiquement favorisé pour supporter l'odeur de caca de bébé.

– Oui mais bon. A quoi tu sers, après

– Après quoi ?

– Une fois que tu as partagé les mômes et le ménage avec ton mec, tu sers à quoi ? Elle est où, ta place ?

– C'est une vraie question ?

– Oui, pourquoi ?

– C’est presque insultant, comme question... Alors ma place elle est aussi dans mon rôle de mère, que je remplis d'autant mieux que j'ai par ailleurs des sujets d'épanouissement : l'autonomie financière, par exemple, le fait de côtoyer d'autres adultes au boulot, de pouvoir avoir un boulot intéressant. Et aussi en partir tôt pour profiter des mômes. En jouant avec eux, en leur parlant, et pas seulement en les faisant manger ou en repassant leurs chaussettes. Et toi, ta place, quand ils auront grandi, elle sera où ?

– Dans leur souvenir, dans leur équilibre d'adultes, comme grand–mère.

– Et si tu te retrouves jeune veuve, tu les fais manger comment, tes futurs adultes équilibrés, avec ton trou dans ton C.V. ?

– ...

– Par ailleurs on peut souhaiter aux enfants qui ont des parents qui travaillent de pouvoir accéder à l'équilibre, quand même.

– ...

– T'es bien silencieuse.

– Je me dis que bon. Quelles que soient nos positions respectives, on sacrifie des choses, quand même. Et quel que soit notre mode de vie, on est toujours dans la preuve : qu'on est une bonne mère, qu'on peut faire carrière en allant chercher les mômes le soir.

– C'est exactement pour ça que je suis féministe. Pour qu'on ait juste le même nombre de choses à prouver que les hommes, ni plus, ni moins.

Commentaires

1. Le lundi 15 juin 2015, 16:47 par Tetsuo

C'est génial. Merci d'avoir si bien écrit sur ce qu'on exige des femmes au nom d'on sait quelle principe ancestral, et qu'on accorde aux hommes. Dire qu'une "simple" réflexion remet tout en perspective... Faut juste bien l'écrire et tu l'as fait.

2. Le lundi 15 juin 2015, 16:50 par Tetsuo

Et sinon, pourquoi quand je relis je trouve une ou deux fautes de frappe toute bénignes que je corrige, que je re relis, tout est nickel et quand c'est publié BAM ! la grosse faute d'accord à la noix ???!!! :gasp:

3. Le lundi 15 juin 2015, 18:04 par gilda

Et tout est dit.

Ce qui a changé dans les dernières années c'est que les boulots possibles et plus encore pour les femmes (cercle vicieux) sont devenus particulièrement précaires et sous-payés. Ce qui fait que la question se repose avec un côté biaisé : ne vaut-il pas mieux que je reste à la maison en me faisant certes exploiter mais pour et par ma petite famille plutôt que je trime à l'extérieur me fasse traiter comme une serpillère par des employeurs eux-mêmes pris dans un système de pressurisation des gens et en plus rentre à la maison en ayant du boulot domestique qui n'est pas (encore) partagé totalement.
C'est un peu genre la peste ou le choléra.

Quoi qu'il en soit, tu fais du bien à lire. Comme souvent.

4. Le lundi 15 juin 2015, 21:53 par Gilsoub

Ah ben bravo !
Avec des dialogues pareils, après on s'étonne que des mecs inventent un robot aspirateur qui aspire tout seul :-) Bon ok je sors ;-) > >

5. Le lundi 15 juin 2015, 22:20 par charlottine

Oui, très bien écrit comme toujours et c'est très bon à lire. Mon homme et moi avons toujours partagé les tâches et je vois que pour nos jeunes en couple, cela ne pose aucun problème de partager aussi. Pour ma pat mon travail à "l'extérieur" a beaucoup contribué à l'équilibre (matériel,certes, mais pas que ) de toute la famille.

6. Le lundi 15 juin 2015, 22:22 par charlottine

Oups, mal relu, "pour ma part"

7. Le mardi 16 juin 2015, 07:43 par Pablo

Personne ne repasse les chaussettes, ce qui invalide inconsciemment les arguments de la féministe dans la tête de son interlocutrice.

8. Le mardi 16 juin 2015, 08:54 par Sacrip'Anne

Tetsuo merci (et c'est bien quand des hommes en sont conscients !) Quant aux fautes d'accord, hein. Bon.

Gilda avec le cycle infernal : tu gagnes moins donc tu t'arrêtes donc quand tu reprends tu gagnes moins donc tu t'arrêtes, etc. Merci beaucoup, m'dame !

Gilsoub tsssss.

charlottine après il y a des questions de choix, et chaque choix est respectable en tant que tel. Mais je doute qu'aucun des choix possibles ne soit "libre" à 100 %.

Pabloje connais. des gens. qui repassent. les chaussettes. pour de vrai (et plus jeunes que moi, ces gens, pour dire qu'on est dans le très contemporain).

9. Le mardi 16 juin 2015, 09:23 par Pablo

Oooohhhh non :-( #chaussettes

10. Le mardi 16 juin 2015, 09:30 par mirovinben

j’ai entrouvert la porte, attiré par ce nouveau billet probablement aussi pertinent et plein d'humour que les précédents. Mais, vu le sujet abordé, j'ai bien vite refermé cette porte : j'ai vaisselle, repassage et repas de midi à préparer pendant que Mme Mirovinben s'amuse au jardin.

:p

11. Le mardi 16 juin 2015, 11:45 par Sacrip'Anne

Pablo si si, j'te jure.

Huhuhu Mirovinben ! :)

12. Le mardi 16 juin 2015, 13:40 par Anna

Personnellement je ne repasse rien, c'est contre ma religion. ;-)
Plus sérieusement, je suis tout à fait d'accord avec toi. Un homme qui change une couche n'est pas un héros, pas plus qu'une femme qui démonte un siphon ! :-)

13. Le mardi 16 juin 2015, 14:27 par Anna

Tiens, les anglophones devraient aimer cette citation de Brandon Sanderson.

14. Le mardi 16 juin 2015, 21:25 par Gilsoub

@Pablo @sacrip'Anne J'avoue que repasser les chaussettes me laisse aussi pantois que ceux qui repasse slip ou caleçon ! Si si, j'ai vu !

15. Le mercredi 17 juin 2015, 09:24 par Sacrip'Anne

Anna ça fait bien longtemps que je n'ai pas sorti le fer non plus. Genre : des années. Merci pour le lien !!!

Gilsoub ma repasseuse de chaussettes repasse les sous-vêtements de ses filles. Oui oui oui.

16. Le mercredi 17 juin 2015, 12:59 par Anna
  • perplexité*

Ça ne bousille pas le côté élastique, le repassage ?

17. Le mercredi 17 juin 2015, 15:34 par Sacrip'Anne

Anna veux même pas le savoir. p-)

18. Le samedi 20 juin 2015, 02:48 par Eric

Intérioriser les discriminations, c'est quand même un bon moyen pour ne pas toucher au statu quo
Machisme, racisme, homophobie mêmes combats : les femmes au fourneau, les nègres au fond du bus, les pédés au bûcher, et les cons seront bien élevés, de préférence sans se poser de questions et rien remettre en cause… #Facepalm.
Hugs plein plein plein.

19. Le lundi 22 juin 2015, 09:20 par Sacrip'Anne

Eric je ne sais pas si tu as vu mais je me suis fait prendre à parti à propos de ce billet sur Twitter par quelqu'un qui trouvait que je jugeais son modèle de parent au foyer et que d'où je sortais qu'une veuve qui a arrêté de bosser est plus en danger économique qu'une femme qui a continué à travailler.

  1. facepalm et #soupirs

Oui plein de hugs ! Je prendrais bien l'avion pour les chercher en vrai, tiens !

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