lundi 22 janvier 2024

I've got a feeling

Dire que j'ai les émotions en vrac, ces jours-ci, c'est sous-estimer la situation.

Déjà que je ne suis pas coutumière du tiède, dans ce domaine...

Certaines passent à travers une sorte de blob déformant et filtrant, mettent du temps à m'arriver (ce week-end il m'a fallu 24 heures pour comprendre si oui ou non, j'avais aimé un film, autant vous dire que niveau connexion avec moi-même, j'ai fait mieux). D'autres m'atteignent en décalé. Ma grande-sœur d'adoption, ma belle Luce, me commente la chimie du cerveau entre deux "tu veux un verre d'eau ?". Rien d'anormal, vu les circonstances, donc. Attendons que ça se rebranche doucement.

(Mon blob filtre déformant pourrait bien ressembler un peu à ça)
Photo de Diane Picchiottino pour Unsplash

La bonne nouvelle, s'il faut tirer de toute chose quelque chose de positif, c'est que je n'ai absolument pas la bande-passante pour m'auto-torturer. On verra ça plus tard.

L'autre bonne nouvelle c'est les bribes d'humanité pure qui circulent de certains d'entre vous à moi et inversement. Longtemps j'ai cru que donner du sens à sa vie c'était être Gandhi ou Mandela, Einstein à la limite. Je crois, maintenant, que rien n'en a, de sens, mais que tout l'amour, sous toutes ses formes, qu'on peut donner aux autres, toute la compassion, l'empathie, qu'on peut mettre à disposition, c'est ça, le truc qu'on peut laisser derrière nous (sauf quand on est un génie, évidemment, mais ça n'est pas mon cas).

Je me demandais ce matin comment ça allait se passer, au bureau. Pas la tête à ça et capable de fondre en larmes si on me propose un café.

Pour le moment ça va. Je me souviens des mots de Laure (la grande sœur de Luce, y a pas de hasard, et ma grande grande sœur d'adoption, donc, vous aurez suivi) qui me disait, quand j'étais enceinte pour la première fois, qu'on prétend que le cerveau des femmes est à 50 % consacré à fabriquer un bébé. Mais que, je la cite immodestement "avec ce qu'il nous reste, il y a largement assez pour faire tourner les affaires courantes", ou quelque chose de ce goût là.

On va dire que ça marche aussi pour ça.

I've got a feeling, chantaient les Beatles du haut de leur toit. Bande de gros malins, va.

Je ne relis pas sinon je pleure.

lundi 18 décembre 2023

L'exacte densité d'une présence

Vous vous souvenez de quoi, vous, quand vous pensez à quelqu'un ? Quelqu'un que vous avez déjà rencontré, bien sûr, bande de petits jeunes utilisateurs de l'internet du diable. Y en a qui se causent 20 ans sans réussir à se croiser, je le sais de source sûre. Non, vieille école. En chair et en os et toutes ces sortes de choses.

Il y a des gens qui ont une mémoire des parfums, des voix. Des mots, exactement mémorisés. Moi, souvent, c'est le regard qui revient en premier. Le sourire, aussi. Une espèce d'énergie personnelle, comme une signature.

Il m'est arrivé un truc étrange, cette année. De quelqu'un que j'ai rencontré, j'ai gardé la mémoire de l'exacte densité de sa présence. J'ai pas trouvé mieux que ça comme définition, mais vous savez, il y a des gens qui ont une présence gesticulante, qui prennent toute la place, d'autres qui sont presque invisibles. Là il y avait une sorte d'incarnation du fait de se trouver au bon endroit, au bon moment et de s'y trouver bien. Je pourrais me tourner et avoir l'impression que cette personne est assise à côté de moi, avec la même manière de s'assoir, de se tourner vers ses interlocuteurs. Etonnant. Inédit. Bizarre. J'ai aussi, en surimpression par rapport au reste, son regard, sa voix et un truc presque impalpable d'ambiance qu'il serait impossible de vous raconter ici sans devoir vous tuer, un par un, après.

(Non. Je rigole. Mais vous croyez vraiment que je vous raconte TOUT, bande de petits curieux ?)

Je ne sais pas ce que ça dit, tout ça, si ce n'est que j'ai mis un peu de temps à m'en rendre compte complètement et que parfois, le hasard fait très bien les choses.

J'allais faire le clown avec Paul Eluard à qui on attribue, de façon je le crains un peu incertaine, une citation sur le hasard, mais comme je suis tombée sur ce poème que j'avais oublié et qui va bien avec mon ambiance intérieure à l'heure où j'écris, il fera office de belle conclusion[1] :

La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager.

("La nuit n'est jamais complète", dans le recueil "Derniers poèmes d'amour" qui, dans ma mémoire, est une mine d'or de petites pépites palpitantes).

Note

[1] Oui, c'est foutraque et décousu. C'est la vie, parfois.

dimanche 17 décembre 2023

Dialogue intérieur

— Anne ?
— Mmmmm
— Anne ???
— Mmmmmmmm
— MMm oui ou mmm non ?
— Je t'écoute
— Tu recommences...
— Je recommence quoi ? Je ne fais rien, là, j'écoute de la musique.
— Oui, justement. Tu recommences. La musique qui fait du mal, les romans qui font pleurer. Ca palpite de partout là-dedans.
— Et ? Il paraît qu'il y a des gens qui sont capables de ne penser à rien et de ressentir tiède, mais c'est pas moi. Rien de nouveau.
— Ah si. Là tu vois, tu as la palpitation de la fille qui a envie de vivre.
— C'est plutôt une bonne nouvelle, non ? Parce qu'il était un peu long, le tunnel, je trouve.
— Oui mais non. Tu SAIS que tu vas faire des conneries. Tu SAIS que tu vas avoir mal. Et puis à ton âge, ma vieille. Et tu t'es regardée ?
— Ah ouais, t'es agiste et grossophobe que quand il s'agit de moi, en fait ?
— Toi, c'est moi.
— Oui et toutes les amies à qui on a dit qu'elles devaient se traiter comme leurs meilleures amies, t'y croyais ? Ou c'est juste pour moi, la vacherie ?
— Non mais elles, c'est pas pareil. Elles sont trop bien, nos amies.
— Et quand elles disent la même chose sur moi, en revanche, c'est faux, c'est ça ?
— Non mais les gens sont polis.
— Tu sais que je les saoule sans doute un peu, les gens, à cause de toi ? A toujours vouloir être sûre que je ne suis pas trop comme ci ou pas assez comme ça ou à penser qu'ils sont là par gentillesse et abnégation ?
— Ben c'est un peu vrai que t'es trop ceci ou pas assez cela et que t'es compliquée et que...
— Il t'es venu à l'esprit deux secondes qu'ils y trouvent peut-être aussi un truc chouette et qu'ils ne sont pas aussi cruels que toi à chercher chaque millimètre d'imperfection ?
— Non, carrément, non.
— Je suis presque certaine qu'en fait, ils ont le choix. Et qu'ils restent parce qu'ils sont d'accord. Environ.
— Ah ah ! Tu vois ! Tu doutes !
— Non, je fais des blagues. Avant qu'on m'en fasse. Ca fait moins mal.
— Donc j'ai raison.
— Donc tu m'as pourri la tête. Et c'est un combat de chaque minute de NE PAS te croire.
— Je vais gagner.
— Même pas en rêve.
— Tu vas te ramasser et tu vas venir en pleurant me dire que j'avais raison, que tu vas finir vieille, moche, grosse et même tes chats ne voudront pas de toi.
— Tu sais quoi ? T'es incurable. Mais là, moi, j'ai plus envie de t'écouter. Va donc, en toute bienveillance, bien te faire cuire le cul.
— ...

dimanche 10 décembre 2023

Loin

Je n'aime pas Noël.

Voilà, c'est dit, comme une atrocité dans la bouche d'une jeune fille bien éduquée, comme on viendrait faire un bruit malséant à une table de gens raffinés, l'horreur. Comment peut-on ne pas aimer Noël ? On peut (je crois même que nous sommes nombreux).

Ca date, je pense, du moment où le mois de novembre/début décembre a commencé à ressembler à une sorte de calendrier macabre de dates où des gens que j'aimais ne seraient plus jamais là pour se l'entendre dire. D'ailleurs, c'est pas compliqué, il y en a un de plus cette année. Et même si c'est un mois qui continent aussi des dates d'anniversaires de gens que j'aime et qui sont encore bien là, c'est devenu difficile à traverser. En ressenti, là, au moment où j'écris, on doit en être au 40 novembre, ou peut-être 41, bref, pas la joie.

Pendant la période des enfants petits, j'ai joué le jeu du sapin, du père Noël et de toutes ces choses qui font gling gling. Mais c'est pas compliqué, plus les années passent, plus ça devient un truc contre lequel je me révolte violemment.

Je n'ai rien contre le fait d'être avec des gens proches pour manger de bonnes choses ensemble et se faire des cadeaux, hein. C'est juste cette course à l'armement de la déco, du meilleur cadeau, du menu parfait, du bonheur codifié à date fixe... ça me hérisse. Je ne suis même pas catholique, en plus, alors la naissance du petit, vous pensez.

Moi, là, mon énorme fantasme de Noël, ça serait de partir. Loin, au moins un peu. Il y aurait une maison confortable, je verrais la mer par la fenêtre[1]. S'il faisait beau, j'irais me promener à pas lents le long de la plage. Il y aurait du bon à manger sans effort de préparation. Il y aurait de la musique à briser l'âme. Il y aurait des livres, partout, des bouquins-copains de toujours, de nouveaux à découvrir, des qui font battre le cœur. Des films à foison. Un canapé dans lequel se vautrer de toutes les façons possibles (non, je ne sais toujours pas me tenir correctement).

Et peut-être que si je regardais du coin de l'œil dans le miroir, au-dessus de la cheminée qui flambe, je verrais des ombres passer et je me rendrais compte que je n'y suis pas toute seule, finalement.

Note

[1] D'ailleurs, c'est fou que personne n'ait jamais compris, dans ma vie, que pour me guérir d'à peu près tout, il suffit de m'emmener à la mer. C'est encore mieux si c'est la Méditerranée et qu'on peut manger des panisses, mais n'importe quelle mer me répare suffisamment pour affronter le monde à nouveau. Et non, personne, jamais, ne m'a dit "Allez viens, je t'emmène voire la mer, elle et mes bras autour de toi, ça va aller".

mercredi 6 décembre 2023

Aligner les mots

J'en ai, des billets à écrire, sur ma pile ! On se croirait en 2003 ! J'ai même dû me livrer à un petit arbitrage pour savoir qui devait passer en premier, c'est vous dire. Et finalement, en toute logique (et les faits vous le prouvent à l'instant où vous lisez ces mots [1]), c'est celui-ci qui s'impose bon premier, puisque c'est de ce que je vais y raconter que découlent plus ou moins directement les autres.

J'écris beaucoup, en ce moment. Enfin j'écris beaucoup normalement puisque c'est une partie de mon job, mais en plus du boulot, j'écris aussi des trucs-zé-machins pour moi.

Me voici relancée avec Alexeï et mon vieux comte Russe. Pour le moment je découds un peu et réassemble / complète ce que vous connaissez déjà, pour les joueurs invétérés et lettrés de l'été 2000. Pour garder la voix d'Alexeï sous les doigts, sans même parler de notre ami Rrrrrromanov, mais aussi pour continuer à infuser le reste, sur lequel j'ai plein d'idées et d'envies mais qui n'est pas encore suffisamment au clair dans ma tête. Besoin d'y rêver encore un peu.

Alors ne vous réjouissez pas trop vite, hein. J'écris sourire aux lèvres mais je me chie dessus à l'idée de quiconque en déchiffre péniblement 5 lignes et me toise avec mépris en me renvoyant à mes saines lectures qui, ELLES, valent la peine d'être lues. Donc là, pour moi, il est question de voir si je peux en faire une histoire achevée. Et j'essaie de ne surtout pas penser au reste. Une chose à la fois (ça n'a l'air de rien mais pour quelqu'un qui a la crainte permanente de ne pas être assez bien, de décevoir, une chose à la fois c'est un énorme lâcher prise, croyez-moi.)

Et puis il y a mes pièges à moi. Après des décennies à me comporter en bonne élève, principalement parce que c'était une stratégie efficace pour me laisser un peu de marge excusable à être qui je suis, je reviens à l'état sauvage et naturel qui est le mien. J'ai "un peu" de mal avec la contrainte, dirons-nous. Et les consignes inflexibles. Du coup il faut trouver le bon équilibre entre avancer et ne pas m'auto braquer (oui, je sais faire ça très bien). Mais comme aligner des mots est à peu près le truc qui me fait le plus de bien ces jours-ci, forcément, j'ai plein d'idées de bouts de machins qui fourmillent et je me retrouve à tirer des fils pour des petits trucs qui seront sans doute bien logés ici. Rien de foufou, hein. Mais ça faisait longtemps que je n'avais pas trois billets en cours dans ma tête. Peut-être moins ancrés dans le quotidien. On verra.

Bon, en revanche, je déteste toujours autant me relire, et pour cette phase là je n'ai pas beaucoup d'autres solutions que de forcer ma nature.

Note

[1] Est-ce que les mots se comportent, comme les électrons, différemment selon qu'on les regarde ou pas, ces drama queens ?